Beau succès
à l’Opéra Garnier, à Paris, de l’opéra Giulio Cesare
de Haendel avec Natalie Dessay dans le rôle de la reine d’Égypte. Débat autour de la mise en scène.
Nous n’en sommes pas encore aux amours de Marc-Antoine et de la reine d’Égypte, qui ne seraient peut-être pas grand-chose sans Liz Taylor et Burton dans le film de Mankiewicz, mais tout juste au début des aventures de Cléopâtre, soit donc sa rencontre avec Jules César, sa prise du pouvoir et l’élimination de son frère Ptolémée, lequel a voulu lui-même écarter sa sœurette et liquider son Jules. L’opéra de Haendel, composé en 1724, nous conte donc l’affaire par le menu, chacun des personnages défilant à son tour pour tenir sa partie, ce qui donne donc pendant trois bonnes heures une suite rare de récitatifs, applaudis comme il se doit et particulièrement quand il s’agit d’une star comme Natalie Dessay, en séductrice, dont les voiles ne font que dévoiler les charmes.Juste et authentique
Les autres premiers rôles ne sont pas en reste, quand bien même le goût de l’époque allait aux voix de castrats, laissant aux seconds rôles des registres vocaux plus vulgaires, traduits ici en voix de contre-ténors pour César (Giulio Cesare – Lawrence Zazzo) et Ptolémée (Toléméo – Christophe Dumaux). On aura remarqué sinon Isabel Leonard dans les personnages de Sesto (fils de Pompée que Ptolémée a fait assassiner), juste et authentique, sans effets inutiles, et de Cornelia (veuve de Pompée), pour son timbre. Le tout avec à la direction d’orchestre Emmanuelle Haïm assurée, rompue au baroque avec son Concert d’Astrée.
On pourrait en rester là, ce qui est une option, mais qui implique de ne pas répondre à une seule question. Que nous disent aujourd’hui les amours de César et de Cléopâtre ? À cela, semble-t-il, avec tout son savoir-faire, Laurent Pelly a choisi de ne pas répondre. L’idée de faire évoluer les personnages dans les réserves d’antiquités d’un grand musée, qui pourrait être le Louvre, est d’emblée séduisante mais n’a pas convaincu. Elle tourne court et parfois trop vite, jusqu’à détourner l’attention à certains moments des personnages. Or le problème est là.
La vérité de Haendel
S’il y a un sens dans cet opéra, il ne peut être que dans ce qui a été écrit par Haendel et par son librettiste, et c’est ce à quoi il faut donner une véritable chair. Des astuces de jeu, flirtant parfois avec la BD, n’y suffisent pas. Que faire, alors ? Peut-être tenter de retrouver la vérité de Haendel en son temps et ce que disaient, aux spectateurs du XVIIIe siècle, les amours des princes, leur soif de pouvoir, leurs conspirations et leurs artifices. Il ne s’agit en rien d’en tenir, d’une façon figée, pour la tradition mais de chercher l’authenticité dramatique dans les problèmes du temps, de même qu’il faut, pour comprendre qu’il se passe quelque chose dans un tableau de Poussin ou de David, approcher ce qu’ils ont dit en leur temps et avec les moyens de son temps. Ce ne semble, sinon, que de la peinture d’histoire, même si on en rafraîchit les couleurs. De ce point de vue, les quelques scènes où Laurent Pelly, pratiquant le mélange des siècles, fait apparaître des personnages en costumes du XVIIIe siècle semblent les plus vraies et, partant, les plus modernes, ce qui semble la direction la plus pertinente.
Maurice Ulrich
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