lundi 17 janvier 2011

"G.Cesare, l'empire de la voix" Janvier 2011


 [Natalie Dessay en prise de rôle, Lawrence Zazzo et Christophe Dumaux 
donnent chair au chef-d'œuvre de Haendel à l'Opéra de Paris]

Dilemme. Parce qu'il requiert la puissance et la tessiture d'une voix féminine autant qu'une autorité et un héroïsme absolument masculins, le rôle-titre deGiulio Cesare in Egitto reste un paradoxe inouï – au propre comme au figuré. Pourquoi? Ce destin impérial, Haendel l'a taillé à la démesure du castrat Senesino, l'une des voix les plus adulées de l'époque. Inspiré par ce parti exceptionnel, le compositeur (1658–1759) accumule les audaces, d'airs de bravoure à gorge virtuose en sombres soupirs d'une délicatesse rare. Ecrit lors de son règne londonien au King's Theatre de Haymarket, l'opéra seria en est devenu le plus célébré de Georg Friedrich Haendel, compatriote et exact contemporain de Bach parti faire fortune en Angleterre. 

Au Palais Garnier de Paris, c'est l'Américain Lawrence Zazzo qui brandit glaive et bouclier dans cette nouvelle production mise en scène par Laurent Pelly – présage d'ingénieuses finesses. Vogue des contre-ténors oblige, on a tendance depuis une quinzaine d'années à confier les vocalises de Cesare à des chanteurs plutôt qu'à des chanteuses. La logique dramaturgique y gagne. Mais il suffit d'écouter Jennifer Larmore dans l'enregistrement référentiel dirigé par René Jacobs pour mesurer les forces et les faiblesses de ces timbres d'hommes haut perchés. A plus forte agilité, moindre puissance. Même des solistes du calibre d'Andreas Scholl y ont trouvé leurs limites (la mouture 2008 de l'Opéra de Lausanne). 

Reste que Zazzo n'est pas le premier venu. Il n'a pas le soyeux d'un Philippe Jaroussky ou la verve d'un Max Emanuel Cencic, mais ce contre-ténor possède un timbre goûteux, à l'éloquence vibrée. Surtout, il s'adjoint les services d'un plateau haut de gamme. La soprano Natalie Dessay opère une prise de rôle sous les atours de Cléopâtre, contrepoint charmeur et suave aux hardiesses du souverain. Il faut s'en réjouir: la star française a visiblement décidé de revenir à des incarnations plus légères, plus ciselées, plus proches de l'essence virevoltante de sa voix. Elle officie en alternance avec la jeune Jane Archibald (remarquée au Grand Théâtre de Genève en Rosina dans LeBarbier de Séville de Rossini et en Reine de la Nuit dans La Flûte enchantéede Mozart). 

Délicieusement vénéneux dans la production lausannoise de 2008, le contre-ténor Christophe Dumaux reprend du service et se glisse dans les ambitions mortifères de Ptolémée, ombrageux frère de Cléopâtre. Quant à Emmanuelle Haïm, un an après avoir fait une tentative infructueuse avec l'Orchestre de l'Opéra de Paris, qui s'était soldée par un échec retentissant, elle revient forte de ses conceptions historiquement informées à la tête de sa propre formation, l'excellent Concert d'Astrée.

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