mercredi 12 janvier 2011

Le Figaro: 12 Janvier 2011

Séductrice, souveraine et battante, la diva joue de tous les registres de la reine d'Egypte. (Photo : S. Fowler)



Natalie Dessay, royale Cléopâtre


Dans une nouvelle production du « Giulio Cesare » de Händel, la cantatrice retrouve ses deux plus grands complices : la chef Emmanuelle Haïm et le metteur en scène Laurent Pelly.


LE FIGARO - Après la reprise l'an passé du rôle de vos débuts (« La Sonnambula »), vous vous attaquez à un personnage inédit. Avez-vous des ­appréhensions ?
Natalie DESSAY - Toujours. Je pense que chaque production doit être parfaite, sinon ça n'en vaut pas la peine. Alors, forcément, j'aborde tout projet avec la peur au ventre. La bonne nouvelle, c'est que nous jouons à Garnier : je n'aurai pas à faire face aux immensités de Bastille, harassantes pour les chanteurs. Surtout lorsque l'on commence les productions à moitié malade, comme ce fut mon cas pour La Sonnambula.

Vous venez d'enregistrer les airs de Cléopâtre chez Virgin. Cela a dû vous mettre en confiance.
Sur le plan musical, oui. Mais enregistrer avant de jouer n'est jamais idéal, et ce n'est pas un procédé naturel pour moi : en studio, vous ne vous concentrez que sur la voix et la technique, alors que, sur scène, je joue énormément avec mon corps. J'aurais préféré l'inverse. Pour des questions de planning, cela n'a pas été possible.

Quelles sont les difficultés du rôle ?
La première, c'est sa diversité. C'est aussi ce qui m'attire. Cléopâtre a sept airs, mais il faut à chaque fois montrer un visage différent : la reine, la sale gosse, l'amoureuse coquette et transie, la fille craintive qui croit qu'elle va mourir, la battante… Pour le disque, nous avons préféré mettre en avant cet aspect contrasté en faisant dialoguer des airs tendres et guerriers - dont deux inédits - plutôt que de suivre l'ordre de l'opéra.

Et sur le plan vocal ?
C'est un rôle bas en termes de tessiture. Surtout au diapason retenu par Emmanuelle : 415 au lieu du 440 habituel. J'ai donc travaillé sur l'installation du grave entre le mi et le la, zone que je n'avais jusque-là pas beaucoup approfondie.

Une chanteuse de votre niveau renouvelle-t-elle beaucoup sa technique ?
Constamment. Avec l'âge, le chant, qui sollicite tout le corps, devient de plus en plus éprouvant. Et les cordes vocales sont des muscles, même invisibles. Si vous restez trois jours sans les entraîner, elles perdent de leur souplesse.

Outre Emmanuelle Haïm, vous retrouvez Laurent Pelly. Qu'appréciez-vous tant chez lui ?
Il ne conçoit pas l'opéra sous son aspect visuel mais comme du théâtre vivant. En même temps, il aime la musique et les chanteurs, sait mettre ses interprètes en valeur. Et il ne met pas en scène ses propres fantasmes, ce qui ne l'empêche pas d'avoir des idées génialement drôles. Bref, je lui fais une confiance aveugle : s'il me demandait d'entrer nue sur scène, je le ferais.

Un jour, n'aimeriez-vous pas mettre en scène, comme votre confrère Rolando Villazon ?
J'adore le théâtre et songe à m'y reconvertir en tant que comédienne : j'aimerais beaucoup jouer Feydeau. Mais la mise en scène, ça, jamais ! Mettre en scène ne se résume pas à réaliser un fantasme : il faut avoir les qualités d'un supercoordinateur. Moi, j'ai suffisamment de mal à organiser ma propre vie, ce n'est pas pour organiser celle des autres.

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